Article choisi : Amadou C, Franc S, Benhamou PY et al. Diabelop DBLG1 close-loop system enables patients with type 1 diabetes to significantly improve their glycemic control in real-life situations without serious adverse events: 6 months follow-up. Diabetes Care 2021, 44 : 844-6.
L’étude
L’objectif de cet article était d’analyser sécurité et efficacité de la boucle fermée hybride Diabeloop de première génération (DBLG1) chez des patients présentant un diabète de type 1 dans des conditions de “vraie vie”.
Design
Après une semaine de run in durant laquelle les patients étaient traités avec leur ancienne pompe à insuline, 25 d’entre eux ont bénéficié du nouveau système.
Les résultats sont analysés en termes de temps dans la cible (TIR) et taux d’HbA1c après 6 mois.
Résultats
La moyenne d’âge (SD, range) des patients était de 43 ans (13,8 ; 25-72 ans).
À l’inclusion :
• la moyenne d’HbA1c était de 7,9 % (0,93 ; 5,6-8,5 %) (63 mmol/mol) (10 ; 38-69 mmol/mol)
• et le TIR moyen (70-180 mg/dl) était de 53 % (16,4 ; 21-85 %).
Un patient a arrêté l’usage de la boucle fermée après 2 mois.
À 6 mois :
• la moyenne d’HbA1c était descendue à 7,1 % (54 mmol/mol) (p < 0,001)
• et le TIR (70-180 mg/dl) était augmenté à 69,7 % (p < 0,0001).
• Le temps passé < 70 mg/dl avait diminué de 2,4 à 1,3 % (p = 0,03)
• et le temps passé en deçà de 54 mg/dl avait diminué de 0,32 à 0,24 % (p = 0,42).
Aucun événement indésirable grave n’a été rapporté dans l’étude.
Ainsi, cette étude de suivi a permis de confirmer que le système DBLG1 pouvait améliorer significativement le contrôle glycémique dans des conditions de vie réelle sans événement indésirable grave.
Les systèmes de boucles fermées
Un véritable coup de cœur
Comment ne pas citer le thème de la boucle fermée hybride dans les “coups de cœur” de l’année 2021 et revenir sur la position d’experts français SFD publiée fin 2020 (1) ? Comment ne pas se sentir, patients et diabétologues, privilégiés de vivre ces évolutions techniques, nouvelle révolution de la prise en charge du diabète de type 1. Même si nous ne pouvons pas encore exaucer ce vœu de guérison du diabète, est né le sentiment d’avoir enfin le pouvoir de soulager la charge mentale, d’améliorer la qualité de vie des patients tout en améliorant les résultats métaboliques.
La mise à disposition des premiers systèmes de boucles fermées
Quarante ans après sa conceptualisation et plus de 10 ans après la première délivrance d’insuline automatisée en pratique clinique, nous assistons au premier remboursement du système DBLG1 (Diabeloop) et à la mise à disposition d’autres systèmes de boucles fermées. Les systèmes MiniMed 780G (Medtronic) et Control-IQ (Tandem Diabetes Care) sont disponibles, en attente de remboursement, et le système OmniPod 5 (Insulet) reste à venir. L’application CamAPS FX, développée par l’équipe de Roman Hovorka (Université de Cambridge), est annoncée comme interopérable avec différents systèmes et l’abonnement est à la charge du patient. Enfin, certains patients, passionnés d’informatique, ont “craqué” les codes d’accès à des dispositifs de mesure continue du glucose (MCG), et à certaines pompes pour les coupler à un algorithme disponible en open source, hors réglementation.
Principe et spécificités des systèmes de boucles fermées
Ces systèmes de boucles fermées sont constitués d’une pompe à infusion sous-cutanée d’insuline, associée à une MCG, contrôlés par un algorithme intégré dans la pompe ou dans un smartphone. Tous fonctionnent sur le mode hybride (bolus obligatoirement validé manuellement par le patient aux repas) et sont mono-hormonaux (insuline seule). Chaque système a des spécificités en termes de pompe (taille du réservoir, pompe tubulaire ou patch…), capteurs (bientôt tous sans calibration) et algorithmes (Model Predictive Control (MPC), technologie de prédiction, self learning, cibles de glucose, gestion de l’activité physique ou des repas, éventuel mode “sommeil” ou “zen”).
Les résultats des études pivot
Les résultats de toutes les études pivot convergent pour montrer une efficacité en termes d’effet métabolique, et de sécurité (aucune décompensation aiguë imputable à l’algorithme). En découlent les indications proposées par la SFD en 2020 : objectifs métaboliques (HbA1c, temps dans la cible, en hyperglycémie, ou en hypoglycémie) des recommandations non atteints et/ou qualité de vie altérée (par les contraintes de la gestion du diabète au quotidien et/ou la charge mentale du diabète). L’étude choisie ci-dessus est une ébauche de confirmation des résultats dans la vraie vie.
Des indications restreintes
Malheureusement, l’indication de remboursement de DBLG1 est restreinte au seul critère d’HbA1c ≥ 8 %. Les indications devraient évoluer au fil des évaluations médico-économiques, et certains systèmes, bientôt remboursés, auront des indications plus larges, plus proches de celles de la SFD.
Les espoirs et les attentes
Les diabétologues
En tant que diabétologues, nous sommes enthousiastes. Nous voudrions croire que cette solution technique conduira la plupart des patients vers ces fameux objectifs métaboliques tant attendus. Notre principale motivation est le BIEN des patients. Nous espérons tellement soulager leur charge mentale en transférant l’adaptation des doses d’insuline à l’intelligence artificielle.
Les patients
Pourtant, les études de satisfaction, certes globalement positives, sont assez hétérogènes et les niveaux de confiance dans les systèmes signalés varient également selon les études. Les bénéfices associés à la boucle fermée dépendent de la durée d’utilisation, des représentations que s’en font les patients et des contraintes techniques, soulignant l’importance des indicateurs psychosociaux.
Les frustrations
Avec l’amélioration généralement rapide des résultats, il faudra prendre garde au rêve de perfection exprimé par un objectif de TIR de 100 %. Cet objectif illusoire non atteint risque d’engendrer frustration et sensation d’échec, d’autant plus que les “dérives glycémiques” sont liées aux interventions du patient, en particulier lors du comptage des glucides.
Le système, lui, apprend et maîtrise au mieux les glycémies, générant parfois pour le patient un sentiment de perte de contrôle sur sa propre maladie, après des années passées à tenter de l’apprivoiser. Certains ne pourront d’ailleurs pas lâcher prise, et tenteront d’influencer les décisions de l’algorithme, parfois en manuel, parfois par des mésusages.
Accompagner les patients
L’attitude des cliniciens à l’égard des systèmes et la relation soignant/soigné sont primordiales pour favoriser le succès du traitement (résultats métaboliques et qualité de vie). Bien plus qu’une simple télésurveillance, il s’agit d’accompagner les patients pour mobiliser leurs capacités de décider et d’agir.
Au travers de cette épopée technologique se joue une aventure humaine. Le succès de ces systèmes, défini bien au-delà de pourcentages de temps dans la cible, dépendra de l’importance donnée aux représentations, croyances et attentes du patient, de sa capacité à lâcher prise en ayant confiance dans le système bien sûr, mais aussi confiance en ses propres capacités “d’administrateur”. Le patient ne doit pas se sentir dépossédé du contrôle sur sa maladie, mais prendre conscience d’un nouveau pouvoir d’agir, d’une nouvelle autonomie favorisée par une relation de soins adaptée.
Les défis
Les défis à relever concerneront, entre autres, les populations dont l’éducation pour la gestion des doses d’insuline est compliquée, le diabète instable ou à haut risque d’hypoglycémies, le patient sportif et la grossesse, avec la question d’adaptabilité des systèmes dans un contexte de variations importantes de l’insulinosensibilité, particulièrement brutales lors de l’accouchement et en post-partum.
Et… je formule le vœu que dans quelques années, avec l’optimisation des algorithmes, le rêve de pancréas artificiel devienne réalité.
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt en rapport avec cet article.
Bibliographie
1. Franc S, Schaepelynck P, Tubiana-Rufi N et al. Mise en place de l’insulinothérapie automatisée en boucle fermée : position d’experts français. Med Mal Met 2020 ; 14 : 5S1.